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lundi 15 mai 2006

Dans le sentier à côté de la maison.
Nous étions seuls dehors ce soir.
La température était maussade, mais la lumière, intéressante.

Hier, c'était la Fête des Mères. Le jour de l'année où le plaisir partagé d'être maman se fait entendre de partout. Pour moi, c'est aussi un autre moment où, année après année, je pense à la mienne un peu plus fort qu'à l'habitude.
Huit Fête des Mères depuis son départ.

Un joli souvenir que je garde de mon enfance auprès d'elle est le petit rituel qu'elle accomplissait chaque jour de la semaine, aux alentours de quatre heures de l'après-midi. À ce moment, elle m'amenait avec elle dans la salle de bain et se maquillait. Longtemps. Gamine et ignorante que j'étais, je posais toujours les mêmes questions, à savoir à quoi pouvait bien servir ces crayons, tous ces pinceaux et surtout, la nécessité d'avoir trois taille-crayons dans la trousse. Elle répondait rarement à mes questions, bien trop concentrée sur son travail, sa métamorphose. Moi j'étais là, assise par terre à la regarder, en contre-plongée. Je m'assoyais aussi parfois sur le bord du bain et j'attendais, j'admirais le travail. Souvent, elle changeait de vêtements aussi. Elle enfilait une jupe, changeait le haut et se scrutait dans tous les sens. Je crois bien qu'elle finissait, en bout de ligne, satisfaite du résultat.

C'était mon tour.
Ce n'était pas long.
Elle me mettait du rouge à lèvres et me passait le fard sur les joues.
En général, j'étendais le rouge à lèvres partout autour de ma bouche en roulant trop mes lèvres ensemble.
Je ne changeais pas de vêtements.
Prêtes, nous attendions les cinq heures.

Puis, cinq heures arrivaient et ramenaient avec elles mon père du travail. Dès qu'il ouvrait la porte, ils s'embrassaient. Puis, il se penchait et m'entourait de ses bras, m'embrassait aussi. Je pense bien qu'il devait alors compter parmi les hommes les plus heureux en ville de trouver un mannequin et un clown dans sa maison.

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